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PENSÉE FRANÇAISE

Mais si l’histoire est sévère pour ceux qui poussèrent Mercier à la ruine, elle ne le sera pas moins pour certains hommes publics de ces temps troublés, qui, en lui prêtant un loyal concours, lui eussent permis de réaliser ses projets de régénération, et résolurent, au contraire, de ne rien faire pour détourner la province du bourbier où elle s’engageait, pourvu qu’un homme dont ils enviaient la puissante intelligence fût bientôt précipité du pouvoir. On dira peut-être, pour excuser ce crime de lèse-nationalité, qu’il fut provoqué par des manques de tact que des caractères moins autoritaires, plus conciliants que Mercier, n’auraient point commis. Mais que dirait-on d’un individu, qui, voyant un rival lutter en vain pour sauver la vie d’une femme que tous deux aiment, refuserait de leur porter secours, parce qu’on lui demande trop rudement cet acte d’humanité ?

Si donc il était criminel pour certains hommes en 1886 de se tenir à l’écart du mouvement national dans lequel la masse, l’honnête et saine masse du peuple canadien-français, donnait avec enthousiasme, n’est-ce pas aujourd’hui l’impérieux devoir de tous les hommes de bonne volonté, quelles qu’aient pu être dans le passé leurs affiliations politiques, de s’unir sur le terrain commun de l’autonomie et des droits de notre province ?

L’impérialisme, voilà l’ennemi ! Il menace le Canadien-Français de tous les partis, de tous les camps. S’il s’est trouvé au Parlement dix hommes assez fortement trempés pour résister à la tentation des hermines, des parchemins et autres moyens de corruption, et voter contre la politique néfaste de leurs propres co-partisans, ne devons-nous pas oublier la différence de quelques-unes de leurs idées pour ne nous souvenir que de leur union à cette heure suprême ? Que nous importe qu’ils s’appellent encore conservateurs ou libéraux,