Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/110

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cubes et les roues m’ont mené moins loin que lui. J’ai lâché tout. Pour être libre, j’ai déchargé les bateaux sur les quais. Un sac sur le dos, une planche sous mes pieds, l’eau dans le bas et dans ma tête la poutre de Montaigne : le plein vertige. Je suis rentré à la maison, peu fier. Papa m’a dit :

— Fini de rire.

Voilà ! C’est avec ces mots comme viatique, que j’entrai dans la vie réelle.

Je ne sais d’où vint à papa l’idée de me placer en apprentissage chez un mouleur en plâtre. Ce métier n’avait guère de rapport avec mes cubes et mes sphères. Pourtant, ce n’était pas laid, le plâtre. Cette poussière hors d’un sac, de l’eau qu’on y verse, l’homme parce qu’il pense, y met un peu du sien et de cette matière plutôt bête, crée un objet qui aura ses bonheurs, ses malheurs, une vie à soi comme une personne. Je m’intéressais surtout aux statuettes. Le patron était un Italien comme le goinfre. Sans doute mangeait-il moins ; il bavardait davantage :

— Tou rêves, Marcel. Presto, dépézons.

Au bout du mois, je ne m’étais pas assez dépézé.

Papa me trouva alors un emploi plus sérieux dans les bureaux d’un Percepteur. Là ce fut vraiment « fini de rire ». Chiffres de