Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lisait. « Pourquoi en parler, me dis-je. Laissons cela. » Les mots sortirent malgré moi.

— Jeanne ?

— Marcel ?

— Dites-moi, est-il venu ici.

Pour la première fois, fut prononcé entre nous, le nom de Charles. Elle leva les yeux où j’avais introduit son image. Je crus l’y voir flotter. De la tête, elle fit : non. Elle me dit ce que j’ignorais alors de leurs relations et que j’ai raconté déjà. Je n’avais donc pas pris la place de Charles. J’en fus soulagé. Parvenu dans cette chambre, j’étais plus loin que lui et pas seulement plus loin dans cette chambre, mais dans le cœur de Jeanne. Parce qu’il l’avait aimée, me devait-il le défendre ? Non. Là aussi, je fus soulagé. Jeanne ne reprit pas tout de suite son livre. Comme moi, elle se racontait des choses de Charles.

— Ah ! soupira-t-elle, ce pauvre Charles.

— Oui, ce pauvre Charles.

Parce que nous prononcions son nom, il me parut mourir de nouveau et cette fois d’une façon définitive… Mais n’était-ce pas moi qui le tuais ? Je me surpris à répéter avec une certaine rage :

— Non… non… non.

À partir de ce jour, il y eut plus d’air entre nous. Nous étions comme au bord de la