Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/70

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un cheval, il jappe ; un coup de gueule, si c’est une vache ; rien, si ce sont des cochons.

Animal en équilibre sur sa niche, il salue le vélo du facteur, cet autre animal en équilibre sur des roues.

Mais que des passants longent l’enclos, soudain furieux, il les engueule, sort les dents, montre en les plantant dans sa niche comment il ferait s’ils s’approchaient trop. Impressionnés, les gens ne continuent qu’après un long détour. Heureusement, car que ferait Spitz ?

De loin, ils m’interpellent :

— Hé ! Monsieur, il est méchant, votre chien.

Je réponds :

— Terrible !

— Terrible, a confirmé un jour la voix de François, son ancien maître.

Je sème des légendes. Un soir, Spitz a retenu par la culotte un vagabond simplement parce qu’il avait lancé un coup d’œil à mes poules. Je n’ai eu que le temps d’intervenir…

— Une autre fois…

Je crie très haut ces histoires. Ceux qui le doivent, peuvent les entendre.

À la tombée du soir, je tremble que des voleurs ne me prennent mon gardien. Il est plus sûr de l’enfermer. Je le mets sous verrous dans l’étable. Il a, pour dormir, une vieille malle bourrée de paille. Nos lits, pour ainsi dire, se touchent à travers le mur. Ainsi nous sommes encore ensemble. Quelquefois, j’entends : toc… toc… C’est Spitz qui se gratte. J’attrape des gourmes par sympathie :

— Grand fou, dit Marie, si c’était moi, tu ne sentirais rien.

Je ne la croyais pas si jalouse.

Une nuit des voleurs sont venus. Ils ont coupé quatre choux et fouillé mes serrures — solides heureusement. Le matin, je suis leur piste sur le sable, Spitz la flaire derrière moi :

— C’est étonnant, dit Spitz, je n’ai rien entendu.

À la promenade, Spitz court en avant, le corps oblique