Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/467

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II

C’est Fontenelle, cette belle autorité religieuse et même littéraire, qui a écrit le mot fameux et qu’on cite toujours quand il est question de l’Imitation : « L’Imitation est le premier des livres humains, puisque l’Évangile n’est pas de main d’homme. » Seulement rappelons-nous que, quand il grava cette ingénieuse incription lapidaire pour les rhétoriques des temps futurs, il s’agissait de la traduction de monsieur son oncle, le grand Corneille, et que, sans cette circonstance de famille, l’Imitation lui aurait paru moins sublime. De plus, avec tout son esprit, Fontenelle disait deux bêtises dans son mot fameux, si ce n’est trois, ce pauvre Tyrcis !

D’abord l’Évangile n’est point écrit des mains de Jésus-Christ, mais de la main de saint Mathieu, de saint Luc, de saint Marc et de saint Jean, et d’ailleurs, Jésus-Christ était aussi un homme. Inspirés, oui, martyrs plus tard, c’est-à-dire témoins, les évangélistes ne sont que des hommes… inspirés ! et par ce côté, le mot de Fontenelle est pourpré et faux comme l’est un madrigal. Il n’en était pas un pourtant. — C’était une précaution. On sait s’ils s’entendent en précaution, messieurs les philosophes.

Fontenelle, impie et lâche comme toute la secte qu’il précédait et dont il est un des ancêtres, écrivait alors Mero et Énégu ou Rome et Genève, et le sournois se préparait avec son mot sur l’Imitation, un bouclier