Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/154

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quelque chose de plus grave et de plus assuré dans le rhythme, avec une voix de contralto.

Et ce n’est pas, du reste, dans des vers de cette inspiration familière, idyllique et élégiaque à la fois, que se montre et s’épuise le talent qui s’est renouvelé en se dépouillant. M. de Beauvoir, tout en gardant l’individualité de sa touche, cette individualité qui fait qu’un homme est le Corrége en traitant les mêmes sujets que Raphaël, est aussi varié dans le choix de ses sujets que peut l’être un poète lyrique, un de ces poètes qu’un philosophe allemand, poète lui-même, et même plus poète que philosophe (Schelling), appelle « les abeilles intelligentes de l’Infini ». L’auteur de Colombes et Couleuvres n’est pas plus monocorde d’idées que de sentiments. Seulement, comme la poésie lyrique ne s’analyse pas et qu’il faudrait citer trop de pièces du nouveau recueil de M. Roger de Beauvoir pour donner une idée complète de ce talent simplifié et sorti, au moment où l’on y pensait le moins, de la fontaine de Jouvence que le Temps fait filtrer dans la pensée de tout poète digne de ce nom, nous indiquerons comme étant les plus remarquables et les plus beaux du recueil les morceaux suivants : La Colombe, Dolor, Les Morts qui vivent (superbe pensée ! ), Les Heures fatales, A un nuage passant sur le Marboré, Pandore, Fleur de tombe, A Venise, Le Livre inconnu et la plupart des pièces que le poète adresse à ses enfants. Malheureux par la famille, et malgré les passions et les entraînements de sa vie, ayant gardé dans son cœur brisé, que les autres et lui-même peut-être déchirèrent, ce besoin primitif et inaliénable des saintes affections du foyer, le poète de Colombes