Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/20

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Or, précisément, voilà sur quoi nous voulons peser aujourd’hui. La faute ou le crime littéraire, voilà ce que nous voulons prendre exclusivement à partie dans l’auteur des Contemplations. Le penseur, — comme on dit ambitieusement, — le philosophe, le politique, l’homme religieux ou irréligieux, nous savons ce qu’ils sont tous, ces divers hommes-là, dans M. Hugo, et pour nous c’est d’une simplicité terrible et d’une logique prévue que le poète soit traîné, par les idées dont il est l’esclave, au panthéisme, à la métempsychose, à la prostitution de Dieu à ses créatures, à toutes ces folies, enfin, qui sont les folies communes. Ces insanités effrénées et vulgaires qu’hier encore nous déplorions dans un autre poète, l’Américain Edgar Poë, M. Hugo n’en est pas tout seul responsable, et c’est de lui seul que nous voulons parler aujourd’hui. Nous l’arracherons donc pour un moment au siècle qui l’a gâté et auquel il rend sa corruption. Nous le prendrons dans la fosse commune de l’erreur où il a roulé et nous chercherons ce que le poète — le poète uniquement — est devenu dans sa chute, et s’il est présentement quelque chose de plus que le Quasimodo de son génie. Ceux qui diraient que M. Hugo est en décroissance, qu’il s’affaiblit, se détériore, manqueraient de sens ou de justice. Il n’y a aucune trace d’affaiblissement, aucune marque de vieillesse, à son heure ou prématurée, dans ces deux volumes dont le second l’emporte en énergie sur le premier. Non ! le poète des Contemplations ne décroît point. Il progresse au contraire ! Seulement, il progresse du côté de l’absurde et du vide, de l’aliéné et du monstrueux !