Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/269

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beau poème didactique de l’Antiquité et vous pouvez avoir les plus charmants poèmes romanesques, comme les conçoit la tête moderne. Avec des soldats, vous avez l’Épopée, car le poème épique, parmi les hommes, se taille mieux que dans toute autre étoffe dans le manteau de guerre du soldat !

Le titre donc des livres de M. Autran nous a attiré. Était-ce un poème ? Était-ce une succession de poèmes ? Évidemment, l’esprit de l’auteur était hanté par les beaux sujets poétiques, et c’était là une supériorité dans ce temps. Il avait l’instinct du sujet, mais avait-il le détail ? Avait-il ce qui fait le poète ? … Quand nous nous en allons en égoïstes Contemplations de toutes sortes, quand nous ne méditons que sur nous-mêmes, quand la poésie du moi, dans la littérature du XIXe siècle, suit la philosophie du moi, comme le laquais suit son maître, nous trouvons nouveau et excellent ce titre impersonnel et viril qui nous promet des peintures saines et mâles, des mœurs naïves et touchantes et des sentiments de héros. Seulement le livre tiendra-t-il toutes les promesses de son titre, et M. Autran est-il vraiment le poète, doué du génie des sujets auxquels il a si noblement dévoué sa pensée ? …

Toute l’œuvre poétique de M. Autran n’est pas dans les deux volumes que nous signalons aujourd’hui, Laboureurs et Soldats et Milianah ; elle est encore ailleurs. Il a écrit La Fille d’Eschyle, étude antique qui a été couronnée par l’Académie française, et Les Poèmes de la mer, dans lesquels il a cru un peu trop l’avoir inventée. Qu’il nous permette de lui affirmer sur l’honneur que la mer est dans Homère et dans