Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/27

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contemple jamais, que, quand il veut être simple, il manque son coup, croyant le frapper, et devient nettement plat. Il fait alors des vers de la famille de ceux de Pradon :

Depuis que je vous vois, j’abandonne la chasse,

Et quand j’y vais, ce n’est que pour penser à vous !

Le volume d’Autrefois, presque tout entier composé de pièces qui demanderaient impérieusement la sincérité du sentiment, les troubles vrais, la cordialité dans les larmes, puisque le fond en est l’amour, a suprêmement les défauts habituels de M. Hugo dans le simple, comme le volume suivant a tous ses défauts dans le solennel : seulement ces défauts y apparaissent dans des proportions qu’on ne leur avait encore vues nulle part. Sont-ils le résultat de cette complaisance énorme envers soi-même qui vide sans choisir, sur la tête du public, ses vieux fonds de tiroir, ou bien le développement morbide de ce talent qui progresse comme un squirrhe, un cancer ou une loupe ? Mais toujours est-il qu’ils sont là impudents, florissants, accrus ! A quelques rares exceptions près, où M. Hugo redevient le bucculent sonneur de mots, la trompe littéraire qui vomit le vent par sa conque, nous avons en ces premières Contemplations un effort d’affectation et un naturel de niaiserie tout ensemble, qu’on avait déjà entrevus dans les pièces amoureuses des autres recueils de l’auteur, mais jamais dans cet achèvement prodigieux. Ici, le croira-t-on ? mais il faut lire ! le poète a tour à tour du Dorat et du Jocrisse ; il est oiseleur, dénicheur de merles, tueur de