Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/149

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passées dans une famille à la campagne, quand nous y venons pour la première fois. « Pour que le lien de l’hospitalité soit formé, — avait dit le nouveau châtelain du Quesnay, — il faut partager le pain et le sel. Restez à dîner avec nous, monsieur de Néhou ! »

Et Néel, tout en pensant aux dernières paroles de Julie la Gamase, était resté.

À cette époque et dans ce pays, on dînait à midi. Néel savait qu’on ne l’attendait pas chez son père, et nonobstant il tressaillit aux sons de la cloche de Néhou, qui frappait le coup de midi, et qu’on entendait très bien par la fenêtre ouverte. C’est que pour lui, c’était vraiment un moment solennel. Il se mettait à table chez les Sombreval ! Il allait manger avec eux ! Il s’assit entre le père et la fille, se trouvant à chaque minute plus près de ces deux êtres, dont tout aurait dû le séparer.

Il se demandait en se voyant là s’il n’était pas la proie d’un songe, mais les songes n’ont pas des contours si nets et des sensations si précises… Il ne dormait pas. C’était bien Calixte et Sombreval ! Ah ! Calixte ! il la buvait… plus que ce qu’il avait dans son verre ! Il ne perdait ni un de ses gestes ni une de ses paroles. Il les ramassait et les entassait dans son cœur comme un avare ramasse les pièces de son trésor. Il la contemplait où les femmes sont