Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/280

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perdition de la force nerveuse, consomption secrète, que sais-je, moi ? La coupe de la vie se survide. « Nous sortons de la vapeur pour rentrer dans la vapeur », a dit Paracelse. On a vu bien vite le fond de cette coupe d’éther !

Tout en disant cela, il fut, sans doute, frappé de la physionomie de Néel, cet observateur qui était partout et qui voyait tout en même temps !

— Ah ! il faut que nous réussissions, jeune homme ! lui dit-il comme pour ranimer son courage. Vous ou moi ! mais, moi, cela peut être trop long. La science n’a pas de pitié, pas d’entrailles. Elle est obstinée et cruelle. Elle dévore onze vies d’hommes et fond leurs cerveaux avant de dire son secret au douzième… La science, c’est le sphinx. Et puis il ne s’agit pas de ma vie, mais de la sienne, et nous n’avons pas le temps d’attendre. Nous sommes pressés. Tout nous déborde. Ah ! vous, vous êtes plus fort que moi ! C’est à un cœur de femme que vous avez affaire, et quel cœur ! Vous pouvez réussir plus vite. Vous êtes beau et vous avez l’amour, qui est une seconde beauté par-dessus la première. Moi qui étais laid, gauche et pesant, j’ai bien su me faire aimer de la mère de Calixte, et Calixte est plus sensible encore que sa mère. Pourquoi ne vous aimerait-elle pas ?… J’ai cette idée, ancrée en moi comme une cer-