Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ôtez-vous de là, monsieur Sombreval ! s’écria Néel. Il faut qu’elle m’aime !

Et Sombreval, aussi sublime que le magnanime enfant, s’écarta.

Il avait compris et il l’admirait. Les chevaux, dans le paroxysme d’une rage que rien ne pouvait plus augmenter, mais maintenus par le poignet de fer qui faisait sentir la bascule du mors à leurs bouches sanglantes, entrèrent dans la cour comme deux flèches, et Néel, pour fatiguer et épuiser leur fureur, — car il semblait impossible de les arrêter en les ramenant sur leurs jarrets, — les fit tourner autour du grand gazon ovale, sous les yeux de Calixte, qu’il sentait sur lui ; qui lui jetaient dans la poitrine plus de flammes que le vin du Rhône n’en avait versé au flanc de ses chevaux !

— Bien mené, monsieur Néel ! firent les Herpin, accourus à l’étrange spectacle.

Quand tout à coup, par un mouvement de main d’une énergie suprême, Néel imprima à la bouche broyée de ses chevaux une secousse, — la secousse désespérée du dernier effort sur lequel il avait compté. Les malheureux firent un écart à se rompre aux aines, et ils se précipitèrent d’effarement et d’angoisse sur les marches en granit du perron. Ils y tombèrent à faux.

Ce fut un craquement auquel répondit un