Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/74

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province d’avant la Révolution — gardait dans ses châteaux et dans ses grandes villes un exemplaire plus pur que Paris lui-même de ce qu’on appelait la société française, de ce mélange heureux et si admirablement réussi de lumière, d’élégance, d’amabilité et presque de vertus, qui faisait de la France l’aimant du monde ? Et eux qui se vantent, dans leur préface, d’avoir plongé si avant dans l’histoire et fouillé tant de documents, ont-ils donc été dupes à ce point des prétentions impertinentes et des mémoires du XVIIIe siècle ?

Car c’est le XVIIIe siècle et ses mémoires, ne nous y trompons pas ! qui ont commencé de populariser cette idée, dont tant d’esprits sont férus encore, que Paris, au point de vue politique aussi bien qu’au point de vue de l’esprit, des mœurs, du langage, des manières, est toute la France ! C’est une poignée de philosophes sans patrie qui ont achevé dans l’opinion l’œuvre commencée par Louis XIV contre cette société qui n’est ni de Paris, ni de Versailles, et qui existait bien avant que Versailles fût bâti et que Paris lui succédât dans l’ardente et injuste préoccupation publique ! Quand le marquis de Mirabeau, cet écrivain à l’emporte-pièce, dont la gloire posthume sera de nous avoir diminué son énorme fils, inventait ce mot méprisant de « s’enversailler « pour la noblesse de son temps, qui courait avec une si sublime niaiserie se précipiter dans ce magnifique piège de Ver-