Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/50

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maladives. D’après lui, le degré de force avec lequel la vision s’impose fait toute la différence de puissance entre un poète et un autre. Quand la création de son imagination ne s’objective pas devant ses yeux de chair à le remplir « de joie, d’horreur, d’allégresse, d’épouvante », le poète n’enfante que des poupées, de pauvres marionnettes collées à grand’peine. Il n’y a de vrai poète que le « vrai Voyant ». Le Serment roule sur deux des phénomènes que des hommes de science nous invitent aujourd’hui à tenir pour authentiques. L’un, le plus difficile à accepter, est la communication à distance, la « télépathie ». L’exemple choisi par Hoffmann est classique. On en trouve de tout semblables, en abondance, dans les travaux de médecins et de professeurs, surtout en Angleterre.

Le comte de C*** voit entrer sa fille Hermengilde en vêtements de deuil. Elle lui annonce avec désespoir que Stanislas, son époux, a été tué au loin dans des circonstances qu’elle lui rapporte. Le comte la croit folle. Il a de bonnes nouvelles de Stanislas, qui n’est point, d’ailleurs, le mari d’Hermengilde ; il n’est que son fiancé. Les jours passent ; on apprend que le jeune homme est mort et que le récit de la jeune fille était exact.

Il reste à s’expliquer l’obstination d’Hermengilde à soutenir qu’elle s’est mariée tel jour, à telle heure, avec un homme qui se trouvait alors au bout de l’Europe. La malheureuse a été victime d’un phénomène dont nous voyons qu’il est question à présent jusque dans les antichambres des cours d’assises. Un amoureux éconduit, le comte Xavier, avait abusé de ce qu’elle était facilement hypnotisable[1] pour lui sug-

  1. J’ai déjà prévenu que les termes employés de nos jours n’étaient pas connus au temps d’Hoffmann. Toutes les fois