Page:Barrot - Mémoires posthumes, tome 1.djvu/49

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n’étaient pas encore confondus ; il n’y avait donc rien de changé dans ma situation. Je continuai à travailler avec ardeur et confiance pour me rendre digne de recueillir la succession qui devait m’échoir dans un avenir que je croyais encore éloigné.

Après la douleur et l’humiliation que l’invasion et la présence de l’étranger à Paris causaient à une jeunesse enivrée de gloire et habituée aux succès de la patrie, vint le réveil du sentiment de la liberté, longtemps comprimé. Les nouvelles institutions fondées par la charte de 1814 en favorisaient l’expansion : la discussion publique recommençait en France. Déjà et dans les derniers jours de l’Empire, nous avions sympathisé avec ardeur aux remontrances que M. Lainé avait adressées à l’empereur au nom du Corps législatif.

Ces premiers signes de vie publique, après une si longue léthargie, nous avaient profondément remués dans le jeune barreau de Paris. Nous pressentions qu’une nouvelle ère allait commencer pour la France et chacun de nous s’y préparait, selon ses goûts, ses habitudes d’esprit, son éducation. C’est à ce moment que commença ma liaison avec Berryer, qui débutait, comme moi, au barreau de Paris ; il faisait déjà pressentir ces éminentes qualités de l’orateur qui l’ont placé au premier rang des princes de la parole ; sa grâce personnelle, la bienveillance naturelle de son caractère, le faisaient aimer de tous. Ses croyances religieuses mêlées à un libéralisme sincère qui, je dois le dire à son honneur, ne s’est jamais démenti, une remarquable capacité des affaires qu’il tenait de son père, avocat et praticien consommé, la puissance de son action oratoire que favorisait un organe admirablement timbré, tout cela joint à une âme tendre et expansive l’appelait à jouer un grand rôle dans un pays où la parole allait redevenir une puissance.

Quelques conversations échangées entre nous suf-