Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/220

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c’est une prodigieuse ronde, qui ne peut se comparer qu’à certaines fêtes païennes dans la saison des vendanges. Puisque la fin du monde était arrivée et qu’ils étaient préservés, pourquoi les Enfants du Carmel se fussent-ils gênés ? Ce ne sont plus des prêtres, des frères, des sœurs, d’humbles paysannes, des cultivateurs matois, autant de gens réfléchis et prudents, formés par les disciplines héréditaires, mais une étrange petite église abandonnée à ses humeurs et prenant son plaisir avec un manque inattendu de vergogne.

Personne d’eux ne résiste plus aux affinités qui les entraînent les uns vers les autres. Vintras leur a donné l’effusion, le don des larmes, de l’éloquence, la confiance en soi, une audacieuse irréflexion, la jeunesse du monde. Il leur a réappris à laisser bondir leur cœur.

Dans ces pauvres filles, hier si douces, le Prophète de Tilly a éveillé de véritables êtres parasitaires, des démons et des vampires qui leur mangent l’âme. Elles viennent de respirer les fleurs d’une beauté sauvage et fatale qui étincellent sur les ravins de la perdition ; elles connaissent désormais la poésie du mal, dont les premiers rayonnements agissent sur des êtres neufs avec une force presque irrésistible.