Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/433

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de solidité, et remporte un message aux friches qu’il dévaste.

— Je suis, dit la prairie, l’esprit de la terre et des ancêtres les plus lointains, la liberté, l’inspiration.

Et la chapelle répond :

— Je suis la règle, l’autorité, le lien ; je suis un corps de pensées fixes et la cité ordonnée des âmes.

— J’agiterai ton âme, continue la prairie. Ceux qui viennent me respirer se mettent à poser des questions. Le laboureur monte ici de la plaine, le jour qu’il est de loisir et qu’il désire contempler. Un instinct me l’amène. Je suis un lieu primitif, une source éternelle.

Mais la chapelle nous dit :

— Visiteurs de la prairie, apportez-moi vos rêves pour que je les épure, vos élans pour que je les oriente. C’est moi que vous cherchez, que vous voulez à votre insu. Qu’éprouvez-vous ? Le désir, la nostalgie de mon abri. Je prolonge la prairie, même quand elle me nie. J’ai été construite, à force d’y avoir été rêvée. Qui que tu sois, il n’est en toi rien d’excellent qui t’empêche d’accepter mon secours. Je t’accorderai avec la vie. Ta liberté, dis-tu ? Mais comment ma direction