Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/123

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SERGE.

Tenez, écoutez ça… Aurez-vous le courage de le laisser partir avec son pauvre petit rêve étranglé ?

MAX.

L’heure qui passe… l’heure qui passe, mon Dieu ! Jessie, en ce moment c’est ton existence entière que tu joues !… Je t’adorerai toute ma vie… toute ma vie, je te la donne… écoute-moi… écoute…

(Il est là, à ses pieds, mains jointes. Une lutte visible s’opère en elle. Elle regarde ce pauvre visage navré, ces yeux dilatée, Elle a un geste de la main comme pour essuyer une sueur au front. Elle ferme les yeux, pâle atrocement, désemparée. Elle les rouvre sur lui. Un grand silence pathétique.)
JESSIE, (se redresse tout à coup.)

Viens !… viens !

MAX, (dans un cri ébloui.)

Jessie !

SERGE.

Et aïe donc !… La morale est sauve, pour une fois !… Alors pas de temps à perdre… Vous, mettez-lui son manteau… on lui fera parvenir demain à Rueil tout ce qu’elle avait apporté… Attendez, attendez… (Il va à la porte de la galerie et appelle à voix forte : « Émile !… » Pendant ce temps, Max met son manteau à Jessie et la couvre de caresses reconnaissantes. Et Jessie se laisse faire en murmurant d’un ton de plaintif reproche : « Oh ! toi ! toi !… ») Je vais vous faire sortir par l’avenue Gabriel, afin que vous ne heurtiez pas le paternel sur le trottoir. Tableau, hein ! (Il ouvre la porte du jardin et, apercevant quelqu’un dans l’ombre, il appelle.) Émile !… Il y a quelqu’un… Hop donc !… (À cet instant et sur cet appel, la musique, au loin, attaque.) Non de nom !… qu’est-ce que c’est que ça ?