Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/316

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pas (Ramassant tout son effort) de ce qui n’a jamais été !…

JEANNINE.

Mais qu’en sais-tu, à la fin ?

ISABELLE, dans un cri.

Non, non, cela n’est pas, cela n’est pas !… Tu n’en avais pas le droit !…

JEANNINE.

Je n’ai que celui de souffrir, parfaitement ! Eh bien, si tu m’imposes un pareil martyre, ce doit être pour quelque chose, tout de même ! Et je voudrais bien savoir ce qui m’attend, au bout du supplice, quel bonheur ?… Mais, à la fin des fins, pourquoi, pourquoi suis-je ici ? Possible que tu prennes plaisir à me faire savourer vos baisers… moi, je n’en ai que de l’horreur !…

ISABELLE.

Tu ne sais pas ce que tu dis ! c’est monstrueux !… Oh ! comme tu me hais !… Rappelle-toi, Jeannine, pourtant !… Il ne me manque que de l’avoir portée dans mes flancs !… C’est mon amour qui saigne !…

JEANNINE.

Je te hais ? Mesure à ma haine l’atrocilé de ce que tu appelles ton amour et de ce que tu commets en son nom. Et là dedans, la seule qui aime, c’est moi, parce que je me tuerai, moi, par charité, pour ne pas troubler ton affreux bonheur !…

ISABELLE.

Misérable ! Elle me reproche de vivre ! Sois rassurée, va… j’ai compris, je te laisserai la place…

JEANNINE.

Allons donc ! pas de phrases ! Tu sais bien que c’est moi qui vais disparaître… Seulement, tu aurais mieux fait de me laisser tranquille la première fois, voilà tout !

ISABELLE.

N’en dis pas plus. Tu l’auras, petite louve !