Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/320

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MADAME HEIMAN.

Alors, monsieur a dîné seul ?

LE DOMESTIQUE.

Oui, madame. Il est resté un peu auprès de madame avant le dîner, et encore, non, je me trompe… puisque j’ai entendu la voix de monsieur qui lisait dans son cabinet.

MADAME HEIMAN.

Comment qui lisait ? Puisque la lecture n’a pas eu lieu ?

LE DOMESTIQUE.

Oui, mais j’ai entendu monsieur qui disait comme ça : « Puisque personne ne veut m’entendre, je vais lire à Neyt ! » Alors il a enfermé la chienne avec lui, et il s’est lu tout seul.

PIERRE.

Je le reconnais bien là !

MADAME HEIMAN, riant.

Bien, bien ! Nous allons l’attendre ici. (Le domestique sort. À Pierre, en s’asseyant.) Ah ! ça, m’expliquerez-vous maintenant, blague à part, comment l’on reçoit une lettre de vous d’un équateur quelconque et comment vous débarquez, le même jour, chez moi, sans crier gare, le plus naturellement du monde… dans la carriole du père Baugé ?… revêtu de cet adorable petit complet américain… Elle est bonne !… C’est ce qui s’appelle préparer son petit effet !…

PIERRE.

Je ne me suis pas payé une entrée, je vous le répète… Pourquoi ne voulez-vous pas me croire ?… Votre ignorance des choses administratives me ravit… La voilà bien, la France !… Pauvre France !… La dernière levée ne se fait pas dans tous les pays du monde à six heures du soir. Il n’y a pas qu’à jeter la lettre, crac, dans un palmier, en passant… palmier ? vous savez ce que c’est qu’un palmier ?… à la bonne heure !… En