Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/67

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SICAULT, d’une voix de stentor.

Non !

(Un temps. — Silence général)
SICAULT, après avoir joui de son effet, d’une voix très simple.

Je te demande pardon de t’interrompre, mon vieux, mais voilà déjà plusieurs fois que je te vois faire cette cafouillade… ce n’est pas ça du tout… ce n’est pas une entrée… (Élevant la voix.) Je sais bien que maintenant c’est à la mode… on dit : « Madame, je vous aime et je vais me jeter par la fenêtre », comme on dit : « Il fait chaud, j’enlève mon paletot… » Ce n’est pas de la réalité, ça, c’est du réalisme !

UNE VOIX, partie on ne sait d’où.

Bravo !

SICAULT.

Je ne demande les approbations de personne… Eh bien, ça ne veut rien dire du tout ce que tu fais là… où est l’émotion ? Où est-elle ? L’émotion, ça ne se cache pas, ça se montre… et même il faut la transposer… Transpose, mon vieux !… Qu’est-ce que c’est qu’une statue sans socle ?… rien du tout… eh bien, la statue c’est la vérité, et le socle, c’est le théâtre !… Voilà… Par conséquent, voilà comme il faut poser ça… Tu entres… (Il va prendre la place de l’auteur et joue.) rapidement… Tu enlèves ton chapeau.

GILLET, ironique.

Dans le salon ?

SICAULT.

Naturellement… Tu enlèves ton chapeau, tu le poses sur la chaise… Dans un salon chic, il y a toujours une chaise à côté de la porte d’entrée… là… et tu t’avances… la main sur le dossier d’un fauteuil : « Madame, là voilà donc, cette explication tant désirée… » Voilà, à la bonne heure… c’est quelque chose… ça a de la ligne… ça a du… Recommence.