Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 7, 1922.djvu/194

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vous accompagne en ce moment parmi votre horde de domestiques anglais, de cuisiniers nègres, de serviteurs tartares ?

THYRA.

Vous oubliez le masseur arabe, mon cher !… Allégra, qui sent l’iris, la rose, la jacinthe, le tabac javanais, le bar des ports de Saïgon, est charmante et sait toutes choses. Elle est jeune et profonde comme le passé (Changeant de ton.) ; je n’ignore pas que, certain soir, Philippe l’a aimée… eh bien, si vous saviez comme, vu de ma philosophie étoilée, ce grain de sable compte peu dans l’océan de ma vie (Elle rit.), si j’ose m’exprimer ainsi !

(Et puis elle s’assied sur l’herbe.)
LIGNIÈRES.

Vous n’êtes même pas jalouse, alors ?

THYRA, (après une hésitation.)

J’ai dépassé cette pauvre limite du sentiment ! Non. Je ne connais qu’un défaut à Allégra, c’est d’être trop parfumée !… et d’avoir les doigts jaunis par trop de cigarettes. Quand elle nous aura lassés, nous la débarquerons… et cela n’aura aucune importance !

LIGNIÈRES.

Et lui ? l’avez-vous trompé ?

(Silence.)
THYRA, (grave.)

J’ai senti des mains qui tremblaient dans les miennes… Je n’ai pas voulu réaliser ! Il m’a suffi de rêver des possibilités ! Tenez, passez-moi ces fleurs… Vous ne savez pas les prendre. J’ai hor-