Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/278

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BOCQUET.

Mais, en effet, vous l’avez compris, s’il n’y avait que cela, nous ne serions pas venus vous trouver… Merci de n’en avoir pas douté… il y a plus douloureux !… Pressé par la faillite, entraîné peut-être par la femme qui le tient, mon fils, au lieu d’attendre, de lutter comme je le lui ai conseillé ces jours-ci, a pris la résolution la plus extrême… C’est un malheureux fou !… Il part ! J’ai appris inopinément par un domestique qu’il prenait demain la fuite pour l’étranger, avec cette femme. Parfaitement, Madame, la fuite !… La mauvaise conseillère tient sans doute à se l’attacher définitivement. Il va disparaître, passer la frontière, laisser derrière lui le déshonneur, une situation irréparable, abandonner sa pauvre femme, qui ne sait rien, qui ne se doute de rien et se trouvera du jour au lendemain devant cet effondrement !… Ah ! quand j’ai appris cela, je me suis précipité chez lui. J’ai parlé haut et dur !… Je ne lui ai pas mâché les mots, je vous prie de le croire ! Je lui ai représenté notre douleur à tous : « Rassure-toi, papa, je vais faire face à la situation. » Il mentait. Madame, il mentait !… À l’heure actuelle, je le sais par le domestique qui a entendu une conversation et qui prépare les malles, tout est combiné. Demain, ce soir peut-être, il partira pour Genève, il ne reviendra plus jamais… jamais… il…

(Madame Bocquet éclate en sanglots.)
BOCQUET.

Excusez son émotion, Madame. Depuis deux jours, elle passe par des transes si cruelles !…

MADAME BOCQUET.

Oui, ne faites pas attention, Madame !… C’est