Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/289

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(Exprès.) Si je me trouve en présence de lui, je ne voudrais pas qu’il perçût la moindre faiblesse. On a son orgueil, n’est-ce pas ?

MADAME DESROYER, (stupéfaite.)

Ah ! cette fois, ça dépasse tout !… Comment ? tu vas le recevoir ! Il s’agit de le recevoir ici ?

FRÉDÉRIQUE, (simplement.)

J’ai envoyé l’auto le chercher… Un simple mot : « Cher monsieur, j’ai quelque chose d’important à vous dire ; prenez l’auto que voici, je vous attends chez moi. » Si la voiture ne le trouve pas, on me rapportera la lettre.

MADAME DESROYER, (au comble de l’émoi.)

Pourquoi, pourquoi as-tu fait cela ? C’est tout mon travail de quatre ans qui est par terre… À la fin, pourtant, j’ai le droit de connaître les raisons mystérieuses qui te font non seulement accepter un rendez-vous, mais le solliciter toi-même !…

FRÉDÉRIQUE, (se retournant.)

Je n’aurais pas l’âme en repos, mère, si j’avais agi autrement… Mais… cette formalité accomplie, n’ayez pas peur !… Ma vie a retrouvé ses racines véritables… Bourgeoise je suis née, bourgeoise je resterai… appuyée sur mes assises domestiques : vous, mes enfants, ma religion, ma maison… Rien à craindre, d’ailleurs… On ne réclame de moi qu’une intervention raisonnable, où le cœur n’est pour rien… ou pour si peu. Et tout cela est misérable au possible !

(Agitée, elle passe et va à la table à droite.)
MADAME DESROYER.

Garde-les donc pour toi, tes mauvaises justifications… Je ne te demande plus rien, mais,