Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/190

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BOUGUET.

Je ne t’ai pas trompée, crois-moi. Il se peut que j’aie rêvé de plaisir quelquefois, car ma nature est brutale et grossière, mais, Jeanne, quelle lèvre méprisante j’ai posée sur ce qui n’était pas toi !

MADAME BOUGUET.

Laisse bien ta tête sur l’oreiller… Je ne veux pas que tu bouges… Ne parle pas…

BOUGUET.

Assieds-toi… Regardons-nous longtemps, longtemps… Repasse toute ta jeunesse, toute ta vie dans mes yeux. Je repasserai la mienne dans les tiens. (Ils se fixent ainsi pendant un très long temps, les yeux humides.) Vois-tu, ma chérie, désormais, je n’aurai plus qu’une pensée, toi… toi seule !… Écoute bien… je ne suis pas en danger, c’est entendu… mais, à tout hasard… il peut toujours survenir un accident… il faut que je prenne toutes mes précautions, que je règle la situation…

MADAME BOUGUET.

Laurent, ne pense pas à des choses vaines, ne te tourmente pas.

BOUGUET.

Hier, j’ai sommairement résumé mes instructions par écrit mais aucune allusion n’est faite à notre vie privée… Or, j’ai pris des résolutions… Et que je guérisse vite, lentement ou pas, ces résolutions sont, tu l’entends, inébranlables. Je veux les notifier aux intéressés, dès maintenant… (S’animant.) Il faut que demain la face des choses soit changée ici… Songe, les journaux, le public la meute nous guettent !… Il faut nous tirer à tout prix de ce désarroi lamentable, hideux…