Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/279

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mon seul enfant ! J’ai tout espéré de lui, et sentir qu’il en est là… lui autrefois si brave garçon !…

BOCQUET.

Car c’est fini, nous n’avons plus sur lui la moindre influence ! Nous sommes à moitié fous, ma femme et moi, depuis que nous savons ça !… Que faire ?… Avertir qui ?… Sa femme ?… Avouez que ce serait trop cruel !… La malheureuse connaîtra toujours assez tôt sa situation ? Et cela n’empêcherait pas Julien, d’ailleurs, de partir avec cette aventurière. Donc, demain, peut-être ce soir, il faut nous attendre à apprendre que notre enfant s’est enfui, laissant derrière lui le malheur et le déshonneur !… Ah ! tenez ! que ne suis-je mort, Madame, pour n’avoir pas à juger tout cela !

(Il a une pauvre douleur, si sincère, qu’elle ne pourrait qu’inspirer du respect.)
FRÉDÉRIQUE.

Je conçois sans peine votre chagrin… L’exposé de cette situation est en effet bien lamentable… Je vous plains, mais qu’y puis-je, et en quoi ma personne peut-elle être mêlée à tout ceci ?… Pourquoi êtes-vous venus à moi ? Car, de toute évidence, vous aviez un but en venant me trouver ?

BOCQUET.

Un but ! Oh ! c’est beaucoup dire… Nous nous sommes rappelés que Julien avait pour vous un culte véritable… Vous êtes le seul être au monde qui ait eu de l’influence sur lui. Tout ce que vous disiez, pour lui c’était sacré !… Ah ! quand Madame Ulric avait dit quelque chose !… Un mot de vous, une phrase seulement le rappelant à sa conscience, à son devoir, et nous sommes sûrs qu’elle aurait, dans la circonstance,