Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/91

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eh bien… cet échec me concernerait seul et prouverait que je ne suis qu’un imbécile. Seulement, je m’emballe… je m’emballe… Tu viens tout à coup d’ouvrir une écluse inattendue, et le flot se met à couler en tumulte. Il s’agit de savoir maintenant si ce n’est pas en vain. N’est-on pas en train de me monter, de bonne foi ou non, un de ces bateaux gigantesques ?…

BOUGUET.

Le fait est que je suis interdit ! Je soupçonnais bien de l’affection, un désir manifeste, mais jamais je ne me serais douté d’un pareil amour ! Car enfin, dès le premier mot, te voilà révolutionné, ému, comme un enfant. Tu as commencé la conversation en disant : « Jamais je ne me marierai ! » et à peine ai-je admis la possibilité du mariage, que tu as bondi sur elle et viens de révéler un tel flot de sentiments cachés que, maintenant, si ce mariage n’aboutissait pas, je serais désolé d’avoir fait luire à tes yeux un espoir…

BLONDEL.

Ah ! tu vois, tu vois, tu canes, maintenant ! Tu vois que tu t’es trop avancé ! tu vois que ce n’est pas elle qui t’a parlé de moi !… Alors, oui, tu n’aurais pas dû me faire avouer cet amour, aveu qui se changera, pour moi, en une gêne insupportable et de toutes les secondes. Bouguet, je viens d’être un imbécile…

(La porte s’ouvre. Entre Arthur. Il remet un papier à Blondel.)
ARTHUR.

Monsieur Blondel, voici la réponse.

(Blondel ouvre l’enveloppe et lit. Arthur s’en va.)
BLONDEL.

Mais non, je ne suis pas… (Il s’interrompt et