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description d’une fête bruyante et populaire des basochiens de la ville assemblés pour élire un roi. Le lendemain tous se rendent à l’Île Barbe où ils vont jouir d’une belle journée de printemps. En retournant en ville, on fait une halte à mi-chemin dans une maison de campagne. Un dîner frugal réunit là les basochiens avec les bourgeois les plus renommés de Lyon, leurs femmes et leurs filles, et comme la faim commence à s’apaiser, on se livre à de gais entretiens :

Est epulis ardor postquam compressus edendi,
Incipiunt animos fando exhilarare, capaces
Craterasque mero plenas siccare jocoso.
Cunctorum lepidis implet Mauritius aures
Dictis Scaeva potens blando sermone, sacerque
Vates, sunt cuius dignissima tempora lauro
Phœbea, Martis cantet seu dura potentis
Arma, umbrosos seu saltus, seu florea rura,
Seu teneres nullos quos non inteliigit ignés.
Exiguum illius, non armis utile, corpus
In genio natura parens pensavit et arte.

La destination première des poésies de Maurice Scève n’était donc pas d’être imprimées et lues par un public indifférent, mais d’être récitées devant une société qui connaissait le poète et son sujet et qui sympathisait avec lui. Voilà qui nous expliquera beaucoup de passages et de qualités de ses vers.

Le passage cité du poème de Girinet nous prouve aussi que les ouvrages qui se sont conservés, ne sont pas toute l’œuvre poétique de Maurice Scève. Quand il chante „ces tendres feux que tout le monde comprend“, ce sont probablement des vers de la Délie, peut-être de la Saulsaye, mais „l’ombre des bois et les champs émaillés de fleurs“ ont-ils servi seulement de cadre ou de métaphore à ses idées amoureuses ? le texte de Girinet semble indiquer des poésies qui parlent directement de la nature. „Les puissants exploits de Mars“ enfin ne sont chantés dans aucun ouvrage de Scève dont nous ayons connaissance.

Girinet dit que Scève chantait. Faut-il prendre ce mot à la lettre ou est-ce une métaphore ? En tous cas, le divertissement principal de cette société joyeuse est, après la poésie, la musique.

Vocales alii pulsabant pectine nervos ;
Assa alii modulos concordes voce canebant.
Parte alia numéros diffundit tibia dulces
Buxea : non pauci genialia nabla frequentant.


    année (1539) : Le Voyage de Lyon à ttostre Dame de t’Isle. Recueil des Œuvres 1544, p. 52-68. Le nom de Scève ne s’y trouve point, (cf. un article de M. Félix Desvemay dans Lyon-Revue, tome 6, juin 1884. p. 319, ff.)