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trance, surtout dans les formes strophiques et dans l’orthographe où il suit Meigret (pourtant avec certaines libertés), il est néanmoins un plat imitateur de Scève qu’il célèbre, comme sa Délie, en des vers qui cherchent en vain à atteindre les grandes qualités de leur modèle. Un autre de ses ouvrages eut plus de succès que la Tricarite : les Discours des Champs faëz[1] sont des conversations élégantes, exaltées et précieuses comme on a dû les aimer dans la société mondaine de Lyon. Ils ont eu quatre éditions au cours de trente ans ; ils cadraient sans doute à merveille avec l’idéal de la France élégante dans la deuxième moitié du seizième siècle. Malgré les principes dont nous venons de parler, Claude de Taillemont a adressé deux sonnets à Louise Labé.

Voilà les poètes lyonnais qui ont chanté la belle Cordière. Passons encore en revue les auteurs qui furent les hôtes de la ville et qui devaient connaître Maurice Scève. Nous avons déjà mentionné Jacques Peletier et Antoine Fumée qui ont étalé leur connaissances philologiques pour honorer la savante courtisane. Pontus de Tyard était aussi des habitués de son salon ; il chanta ses beautés et la douceur de son chant dans un sonnet enthousiaste. Une épître et une ode des Ecriz de divers poètes se trouvent dans les Œuvres de Jean-Antoine de Baïf, qui était donc un hôte également bien vu dans la société lyonnaise.

Le poète français qui a joué le rôle le plus important dans la vie de Louise Labé est sans aucun doute Olivier du Magny[2] N’examinons pas de près si les relations des deux poètes, les plus passionnés de leur siècle dans leurs vers amoureux, furent réellement aussi platoniques que Favre ne le prétend. Ce qui nous importe ici, ce sont les relations entre Magny et Scève. Dans son premier ouvrage, l’Hymne sur la Naissance de Madame Marguerite de France (1552), Olivier ne semble pas encore connaître l’auteur de la Délie ; du moins il ne le nomme pas parmi les vingt-sept poètes qu’il exhorte à chanter avec lui l’heureux événement qui lui a mis la plume à la main. Mais déjà l’année suivante, dans la première partie de ses Amours, il se propose de rendre


            Car si leur vol prènent par l’univers
    Fureurs, amours et tôte leur seqèle
    Etre ne peut que sus l’èle de cèle
    Dont amplumés se sont Oêzeaus divers :
    Cèle, je dis, qui de son cler revers,
    Clére Délie, d’ignorance a rompue
    La nue en nos, mes par clarté reçue
    De son Soleil pénétrant à travers.

  1. Discours des champs faëz, à l’honneur et exaltation de l’Amour et des Dames, par C. de Taillemont, Lyonnais. À Lyon par Michel Du Boys 1553. — Paris 1571, 1585. — Lyon, Benoist Rigaud 1576.
  2. Jules Favre. Olivier du Magny. Thèse. Paris, 1885.