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TABOUROT. TACFARINAS.

TABOUROT (Étienne), cherchez Accords, tome I.

TACFARINAS, chef d’armée contre les Romains en Afrique, au temps de Tibère, était Numide de nation [a]. Il servit d’abord dans les troupes auxiliaires des Romains, et ayant déserté, il assembla une bande de vagabonds et de brigands, et se mit à faire des courses et des pilleries. Il disciplina ensuite cette troupe de voleurs, et la divisa en compagnies sous des enseignes, selon l’usage de la guerre. Enfin il devint le chef des Muzulains, nation puissante proche des déserts de l’Afrique, et il se confédéra avec les Maures du voisinage. Ceux ci étaient commandés par Mazippa, et formèrent un camp volant qui portait le fer et le feu et la terreur de tous côtés, pendant que Tacfarinas avec l’élite des troupes campait à la manière des Romains, et accoutumait ses gens à la discipline militaire. Les Cinithiens, autre nation considérable, entrèrent dans les mêmes intérêts. Furius Camillus, proconsul d’Afrique, averti de ces mouvemens, marcha contre l’ennemi, et le mit en fuite. Cela lui valut les ornemens du triomphe [b]. Ceci se passa l’an de Rome 770 [c]. Tacfarinas renouvela ses brigandages quelque temps après, assiégea même un château où Décrius commandait, et défit la garnison qui était sortie pour se battre en rase campagne. Décrius remplit les devoirs d’un guerrier très-brave et très-expérimenté. Les blessures qu’il avait reçues, dont l’une lui avait crevé un œil, ne l’empêchèrent pas de faire tête aux ennemis jusques à ce qu’il fut tué : ses soldats avaient pris la fuite. Le proconsul Apronius châtia sévèrement leur lâcheté, car il en fit mourir de dix un. Cela fit un tel effet, que cinq cents soldats ayant chargé les mêmes troupes de Tacfarinas qui assiégeaient une place, les mirent en déroute. Depuis cela ce Numide prit le parti de n’attendre point les Romains ; il distribua ses gens en divers lieux : si on le poursuivait, il prenait la fuite, et quand on se retirait, il chargeait en queue. Mais s’étant arrêté dans un camp, il y fut battu, et il se trouva réduit à se retirer dans les déserts [d]. Ce ne fut pas pour long-temps, il se remit en campagne bientôt après, et cette nouvelle ayant été rapportée à Rome, l’on envoya en Afrique contre lui Junius Blæsus, oncle de Séjan [e]. Ce nouveau proconsul s’acquitta très-bien de son emploi [f] (A) ; et néanmoins Tacfarinas réparait si bien ses pertes, qu’il eut l’audace d’envoyer des députés à Tibère pour demander qu’on lui assignât un pays, faute de quoi il menaçait une guerre qui n’aurait aucune fin. L’empereur fut si indigné de cette insolence, qu’il donna ordre à Junius Blæsus de se saisir de Tacfarinas à quelque prix que ce fût. On ne termina cette guerre que l’an de Rome 777 et ce fut le proconsul Dolabella

  1. Tacit., Annal., lib. II, cap LII.
  2. Ex eodem, ibidem, lib. II, c. LII.
  3. C’était le 17e. de l’ère chrétienne.
  4. Tiré de Tacite, Annal., lib. III, cap. XX, XXI.
  5. Idem, ibidem, cap. XXXII, XXXV.
  6. Idem, ibidem, cap. LXXIII.