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LA MORT D’ACHILLE.

Tentons auparavant un genereux effort,
Tout ce qui doit mourir n’eſt pas encore mort,
Nous devons des ſujets à l’infernal Empire,
Troïle ne vit plus, mais Achille reſpire :
Mon ſuperbe deſſein veut eſtre effectué,
Attendons à bruler que nous ayons tué,
Et pour bien aſſouvir ma vangeance, & la vôtre,
Preparons un bucher devant qu’allumer l’autre.
Si jamais (Polixene) un ſi perfide Amant
Regna dans voſtre eſprit, changez de ſentimant,
Si jamais il y fut, oſtez-le de voſtre ame,
De peur qu’on ne vous bleſſe en frapant cet infame,
Plus que ce traitre objet mon vouloir vous fut doux,
Vous l’aymaſtes pour moi, deteſtez-le pour vous.

Polixene.

Voſtre commandement ne m’eſt pas beaucoup rude,
Je reprends ayſément cette douce habitude :
Si pour un deſloyal je parus m’emflamer,
Ce fut vous obeïr, ce ne fut pas l’aymer :
S’il eſtoit dans mon cœur, ce qu’on ne doit pas craindre,
Je me le percerois pour taſcher de l’atteindre,
Cet amour fut de vous, il eſtoit tout nouveau,
Vous avez eſtouffé voſtre enfant au berceau.

Hecube.

Deteſtable, & perfide, ennemi de ma joye,
Tigre qui dans mon ſang as preſque noyé Troye,