Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/104

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Française. Elle y inaugura la série de ces comédies délicieuses, à forme traditionnelle, classique, par où le Romantisme renoua avec les maîtres nationaux de la scène française, et dont Le Tricorne Enchanté, de Théophile Gautier, est le type et le chef-d’œuvre. Et qui sait si, par un juste retour des choses nécessaires et logiques, ces œuvres de style et de grâce, La Femme de Socrate, Gringoire, Florise, couronnées par le triomphant Cyrano, d’Edmond Rostand, où s’épanouit l’esprit de notre race, ne composeront pas pour nos neveux tout le bagage théâtral de l’Art Dramatique moderne ? On ne survit que par la forme, sous le lustre comme dans le livre, et les bons formistes du siècle de Victor Hugo sont ceux, et entre ceux, dont les noms viennent chanter tout seuls sous ma plume.

On ne se dissimulait pas, chez les poètes, l’importance de l’entrée de Théodore de Banville, l’un de leurs chefs de file, dans la grande boîte d’État, abusivement embourgeoisée, où Ponsard, Augier, Pailleron et les prosopoètes tenaient le crachoir du Verbe et menaient Thalie et Melpomène en robes de chambre. Sur la critique, on ne comptait guère, et, sur le public, pas du tout. Quoique ce dernier ne fût pas encore enrégimenté, par le mardisme, en garde nationale de la réaction, il y avait déjà force « genoux à guillotine » dans l’orchestre des chauves et ils y faisaient loi sur les ouvrages. Ils devaient le prouver six mois après, par l’exécution de l’Henriette Maréchal, des Goncourt, égorgée dans l’arène sous le pollice verso des vestales du Second Empire.

La Pomme n’avait pour elle qu’Édouard Thierry d’abord, administrateur du théâtre, les disciples et