Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/104

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cétie. Il ne connaissait rien de plus drôle « dans notre vie complète » que ce préposé irascible qui exigeait qu’on s’abonnât poliment, en pleine voyoucratie d’affaires et avec les manières du grand siècle. — Il est épatant, clamait Georges, je l’ai signalé à Daudet pour son roman Les Rois en exil. Il doit venir le voir, déguisé en abonné naturaliste. — Si amusante que fût pour une Histoire de la Presse, l’anomalie d’un journal dont l’argentier tenait par des cartels les chalands à distance, il fallait bien pourtant aviser à la situation. Elle était trop originale tout de même.

— Écoute, Antonin, lui dis-je, comment veux-tu qu’ils sachent que tu as été du siège de Gaëte et que tu y as défendu ton roi à coups de sabre contre la canaille démocratique ? Ça ne se voit pas sur le visage. Garibaldi lui-même, ton ennemi personnel, mais dont tu ne nieras pas la bravoure…

— Je ne la nie pas, cher Émile. On se hait mais on s’estime. Je suis bon Italien avant tout. Garibaldi, c’est notre Jeanne d’Arc, retournée, oui, mais notre Jeanne d’Arc.

— Eh bien, suppose qu’il vienne ici, en chemise rouge, en béret et en bottes, t’acheter un numéro de La Vie Moderne ? Que ferais-tu ?

— S’il me l’achetait avec égards, en gentilhomme, j’oublierais le siège de Gaëte, sinon, non. Prends un autre caissier, s’il le faut ; remplace-moi par cet exécrable tonnelier de Prinsler, mais j’ai reçu l’éducation des cours, ce n’est pas ma faute, mon cousin.

Ceux qui m’ont fait l’honneur de lire le premier recueil de ces Souvenirs d’un enfant de Paris ont déjà, s’ils s’en souviennent, compris pourquoi je ne