Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/199

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se prête pas aux jurons, qui sont le plaisir du fiacre.

Telle on entend craquer l’amande sèche dans le casse-noisette, tel, d’un gosier rauque, la voix de Nittis avait broyé quelques sons abstraits de voyelles, dans l’ouïe du cabman haut perché : — Twplc’sthknsngtn. — Il paraît que, chez la reine Victoria, cela voulait dire : Two, Palace Gate, Southkensington. — Et docile à ce langage de « houynhms », que seuls, dans Gulliver, les chevaux parlent aux hommes, l’automédon nous enleva comme sur l’ouate d’un nuage. — Où donc allons-nous, cher ami ? — Chez le plus grand peintre de l’Angleterre, sir John Everett Millais.

Et de Nittis ajouta ce renseignement explicite : — Si tu veux qu’il te fasse ta trompette à l’huile, tâte ton gousset, c’est trois cent mille francs. — Ndd ! élidai-je, mais à la vérité il ne m’apprenait du maître que ce détail du prix de ses œuvres. J’avais, dans une publication d’art, reproduit deux de ses tableaux de l’Exposition Universelle de 1878, et j’avais eu à cette occasion une correspondance avec son beau-frère, M. Hudchinson, qui m’avait appris sur son illustre parent tout ce que je désirais en savoir. Mais il nous attendait en personne à onze heures : Twplc’sthknsngtn.

À Londres, non seulement il faut être exact et chronométrique, mais il sied de tirer les sonnettes comme des cloches, à toutes volées. C’est au tintamarre de porte que se mesure l’importance du visiteur, et de Nittis carillonna comme pour un légat du pape.

John Everett Millais à cette époque, je vous le remémore, était le peintre national, sans rival, d’un