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LE PARFUM DE L’ÎLE


Si l’on dort au paradis, sur le sein de Dieu, ce n’est pas mieux que je ne dormis, la nuit du 20 septembre 1887, sur La Manouia, transatlantique qui nous emportait en Corse. À six heures du matin j’étais sur le pont, frais, dispos, les sens tendus pour voir, respirer et entendre l’île qui charme, embaume et chante.

Elle m’apparut bientôt, vaguement estompée sur la mer, nuageuse, rosâtre, dentelée et pareille à ces gâteaux de sucre que la chaleur des lustres liquéfie, et qui fondent sur le plateau d’argent.

Tous les golfes de la côte occidentale, celui de Galeria, celui de Porto, que commande le monte Rotondo, celui de Sagone, qui dévoile le monte d’Oro, s’échancraient successivement dans les brouillards flottants de l’aurore, et les caps dardaient leurs rostres rouges entre le lapis du ciel et les turquoises des eaux.

Elle a l’air d’être ourlée de corail, cette île de sardoine !

D’ailleurs, pas une voile dans ces anses solitaires,