Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/262

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d’épaisseur. Ils y sont encore. Certes, il connaissait le caractère de son peuple. On conte d’ailleurs qu’en sus de l’escorte de vingt-quatre hommes qui le veillait jour et nuit, il gardait auprès de lui en permanence de forts molosses aux crocs formidables, et qui ne connaissaient que lui et son fou.

Les colonnes, les fameuses colonnes du trône que les « Neuf » stupéfaits virent un jour subitement dressé dans la salle du conseil, sont également conservées. Le bon recteur sourit en nous les montrant. Il cherche dans nos regards si nous sommes avisés de cette histoire étrange du trône, que nombre de Corses nient furieusement, quoiqu’elle soit très vraisemblable.

L’idée de se faire élire roi de Corse, a dû passer par la tête de Paoli. Elle était rationnelle en somme, et tout à fait conforme au goût d’autonomie que les insulaires ont toujours eu, qu’ils ont encore, selon moi. Quand on prend de l’indépendance, on n’en saurait trop prendre. Napoléon lui-même avoue, dans le Mémorial, qu’après l’abdication de Fontainebleau il songea à se retirer dans l’île natale « avec ses cinquante mille Corses », et d’en demander aux alliés le gouvernement et le sceptre héréditaire. Cela eût mieux valu peut-être que de remettre son épée à l’Angleterre. Île pour île, Cyrnos valait pour lui Sainte-Hélène. Les Corses, soyez-en sûrs, n’eussent eu que de l’enthousiasme pour la combinaison.

Quoi qu’il en soit, Paoli fit aussi ce rêve. Un jour les Neuf trouvèrent, dans la chambre des délibérations, un trône surgi comme par hasard à la place où le général s’asseyait d’habitude. Ils se regardèrent et sortirent. C’était un four. Paolo le comprit et ne