Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/271

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Puis tout s’éclipsa, l’astre s’étant masqué.

Et tout reparut encore : le Rotondo bleuâtre, le Spolasca rosâtre, l’Asco jaunâtre, le Cinto blanchâtre, d’autres cimes encore, baignaient dans une rosée de lumière pâle, transparente, et les vallées semblaient des coffrets de pierreries entre-bâillés, où les ombres, nettes et tranchées, formaient les couvercles.

Quel spectacle ! Il s’évanouit.

Et la lune se démasqua plus loin. Et l’inondation de fluide prismatique reprit son niveau entre les rives débordées des monts.

Cet enchantement dura une heure. Une heure cette mascarade de Diane Hécate en coquetterie de bal d’opéra, ce jeu de cache-cache prodigieux, qui réveillait les oiseaux dans leurs nids et ébrouait les chauves-souris sur nos têtes ! S’il y a quelque part, dans l’immensité, un astre de saphir, tels sont ses sites et ses panoramas, et l’imagination n’en rêve point d’autres.

Mais la route tourna et l’assombrissement se fit. Nous pénétrâmes dans un maquis sombre, où les ténèbres étaient d’ébène. Le falot de notre calèche éclairait seul d’une lueur d’abat-jour mobile la rampe de plus en plus rude, dépourvue de parapets et lisérée de précipices que nous gravissions éblouis.

Subitement la voiture reçut une secousse, et l’un de nous, adossé à la capote, sentit un corps qui venait de s’accrocher à l’arrière et avait bondi sur nos malles. Il donna alerte au voiturier. Nous allions être attaqués et dévalisés peut-être comme une simple diligence.

« Ne bougez pas ! cria l’énergique automédon, un