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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

répondit-il, conciliant ; je t’en prie : garde au moins pour une meilleure occasion tes incompréhensibles plaisanteries.

— Ah ! là, là ! voyez-vous ! Non ! La crise est passée ; rassure-toi. Tu finiras par m’enrager avec tes airs d’attendre le bourreau. Que risques-tu maintenant ? Rien du tout.

— Je ne crains que toi, dit Gallet. Oui, tu n’es pas un compagnon très sûr…

Elle dédaigna de répondre, et sourit. Puis, après un long silence, la même voix calme et suave redit encore :

— Réponds-moi tout de suite, mon chat : Crois-tu à l’enfer ?

— Bien sûr que non ! s’écria-t-il, exaspéré.

— Jure-le.

Il se résigna.

— Oui, je le jure.

— Je savais bien, fit-elle. Tu ne crains pas l’enfer et tu crains ta femme. Es-tu bête !

— Mouchette, tais-toi, supplia-t-il, ou va-t’en…

— Ou va-t’en ! Hein ? tu regrettes bien de l’avoir, tout à l’heure, retenue, Mouchette ? Elle y serait à présent, dans la mare aux grenouilles, sa chère petite bouche pleine de boue, bien muette… Ne pleure pas, gros bébé. Tu vois bien ; je parle tout bas, exprès. Vilain lâche