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Un autre reproche que les adversaires de cet homme éminent lui ont adressé, c’est de manier une ironie impitoyable, qui parfois est poussée si loin que de nouveaux membres de la chambre en ont été comme accablés. Et pourtant rien de touchant comme de voir ce colosse — colosse au physique et sous le rapport de l’intelligence — adresser d’humbles et sincères excuses à ses collègues qui se plaignent qu’il a frappé trop fort.

La vérité est qu’il n’y a pas le moindre mélange de méchanceté dans la nature de M. Blake : mais son intelligence est si lucide, sa science si vaste, qu’avec la meilleure volonté, il est impossible à cet homme de descendre jusqu’au niveau moyen de l’intelligence des foules et que dans son impatience, il gronde ceux qui ne peuvent pas le suivre.

Avec ce mélange de rares qualités et des défauts de caractère qu’entraîne leur possession, M. Blake trouvera toujours des admirateurs dans tous les partis politiques ; mais peut-être éprouvera-t-il de la difficulté à s’entourer d’un grand nombre de partisans. Sa carrière politique donne d’ailleurs la clef de cette nature singulière, qui mérite à tant de titres d’être étudiée.

M. Blake fut d’abord à la tête de l’opposition libérale dans l’assemblée législative d’Ontario. Au mois de décembre 1871, il fut appelé à former le cabinet de cette province, et se réserva la présidence du conseil exécutif sans traitement. Huit mois plus tard, il envoyait sa démission de premier ministre et refusait la position de chancelier dans sa province ainsi que celle de juge en chef de la cour suprême de la Puissance. Vers la fin de 1873, il entra dans le cabinet fédéral de M. MacKenzie où il n’avait ni portefeuille ni traitement, et où il ne consentit d’ailleurs à rester que quatre ou cinq mois ; mais ce fut pour y rentrer en 1875, avec le portefeuille de la justice, qu’il rendit au bout de deux ans pour devenir président du conseil. Peu de temps après, sa santé l’obligea de se démettre de nouveau de cette position, et depuis lors, il n’a plus fait partie d’aucune administration. Mais il a commandé d’une manière brillante l’opposition à la chambre des communes.

D’après les opinions émises sur divers sujets par M. Blake dans les discours qu’il a prononcés à la chambre, on peut dire qu’il est en faveur du suffrage universel et de la plus en-