Page:Bibaud - Le secret de la marquise, Un homme d'honneur, 1906.djvu/83

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Des habitants de l’air, et le cristal des eaux,
Purent cent et cent fois chantés sur les pipeaux.
Ni les soupirs de Pan, ni les pleurs des Pleïades,
Ni les nymphes des bois, ni les tendres naïades,
Ne seront de mes vers le thème et le sujet :
Je les ferai rouler sur un plus grave objet ;
Ma muse ignorera ces nobles épithètes.
Ces grands mots si communs chez tous nos grands poètes :
Me bornant à parler et raison et bon sens,
Je saurai me passer de ces vains ornements :
Non, je ne serai point de ces auteurs frivoles,
Qui mesurent les sons et pèsent les paroles.
Malheur à tout rimeur qui de la sorte écrit,
Au pays canadien, où l’on n’a pas l’esprit
Tourné, si je m’en crois, du côté de la grâce ;
Où Lafare et Chanlien marchent après Garasse.
Est-ce par de beaux mots qui rendent un doux son,
Que l’on peut mettre ici les gens à la raison ?
Non, il y faut frapper et d’estoc et de taille,
Être, non bel esprit, mais sergent de bataille,

« Si vous avez dessein de cueillir quelque fruit,
« Grondez, criez, tonnez, faites beaucoup de bruit :
« Surtout, n’ayez jamais recours à la prière ;
« Pour remuer les gens il faut être en colère :
« Peut-être vous craindrez de passer pour bavard ?
« Non, non, parlez, vous dis-je, un langage poissard ;
« Prenez l’air, et le son et la voix d’un corsaire, »
Me disait, l’autre jour, un homme octogénaire ;
« Armez-vous d’une verge, ou plutôt d’un grand fouet,
« Et criez, en frappant, haro sur le baudet. »