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chapitre sixième

comme toujours par la croyance populaire dans des centaines de localités du continent. Maintenant, me voilà entré dans les Narrows, au-dessus de West-Point, et le courant ayant à lutter contre un vent debout, le passage devient exceptionnellement difficile. Mon canot dansait sur les eaux bouillonnantes, et il se rapprochait de la rive droite à presque un mille en amont de l’Académie militaire des États-Unis, lorsqu’un obus parti de l’école éclata dans l’eau à quelques pieds du canot. Je venais d’apercevoir une cible placée sur un petit tertre au pied de la colline, tout près du bord de l’eau, lorsqu’un second et un troisième obus éclatèrent près de moi ; je cherchai mon salut dans la fuite, maugréant contre les exercices de l’école et l’autorité militaire. Le soir, le canot fut placé sur le pont d’une goélette qui déchargeait des escarbilles au fort Montgomery. Je gravis la montagne jusqu’au seul abri qu’on pût trouver ; c’était une maisonnette que le propriétaire, le capitaine Conk, administrait pour en faire les honneurs aux voyageurs. Des gens vulgaires et des vieilles femmes vinrent me raconter que des fantômes avaient été aperçus sur les montagnes voisines ; ce fut tout ce que je retirai de leur conversation.

Le lendemain matin, je quittai ces lieux de légendes et de montagnes, et je vis sur la côte opposée la pointe appelée le Nez d’Antony ; elle éveilla mon attention et me mit en belle humeur. Il faut une puissante imagination, pensai-je, pour vivre dans des régions où les habitants aiment tant les spectres et les légendes. En descendant la rivière sur une distance de trois milles, je