Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
288
EN CANOT DE PAPIER.

de feuilles de palmier. C’était comme le beuglement d’un bœuf en fureur, et même peut-être encore plus puissant et plus pénétrant. Le voisinage de cet animal était extrêmement peu rassurant, car il s’était planté sur le bord de la rivière, près du petit tertre où j’avais fait mon installation. À ce cri, il fut répondu par un beuglement venant de l’autre bord ; mais heureusement ces deux alligators mâles n’échangèrent que leurs cris de défi sans en venir au combat. Des bandes de mulots se frayèrent un chemin jusqu’à mon panier aux provisions, dans les feuilles de ma litière.

Ce fut donc au milieu d’ennuis sans fin que la nuit se passa péniblement ; mais la lumière du soleil fut impuissante, jusqu’à huit heures, à pénétrer l’épais brouillard qui enveloppait la rivière d’une largeur d’une soixantaine de pieds environ. Des trains de bois la bloquaient près du cantonnement de Trader’s Hill, et sur cette base très-peu sûre, le canot fut transporté pendant un quart de mille, puis remis à l’eau. Traversant plusieurs flottes de radeaux qui couvraient toute la largeur du Sainte-Marie, je finis par m’ennuyer de cet exercice, et lorsque j’eus dépassé le dernier d’entre eux, j’avais pris le parti de camper jusqu’au lendemain, quand tout à coup j’entendis des voix d’hommes dans les bois.

Bientôt un personnage, accompagné de deux bateliers, se montra à ma vue et me fît des signes de bienvenue ; ils avaient eu connaissance de mon prochain passage à Trader’s Hill, par un courrier envoyé de Dutton à travers les forêts, et ces hommes avaient calculé ma marche avec tant de précision, qu’ils étaient arrivés