Page:Bjørnson - Chemin de fer et cimetière.djvu/5

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parce que cela prouvait que l’affaire agitait la paroisse. Lars, armé de sa paille, se tenait près du poêle, car le temps commençait à fraîchir. Le président lut pour la seconde fois la proposition, d’une voix un peu basse et circonspecte, et fit remarquer, en finissant, comme un détail qui ne devait pas être oublié, qu’elle émanait du bailli, lequel, d’habitude, n’était pas précisément heureux quand il proposait quelque chose. Le bâtiment, chose bien connue, était un don fait à la paroisse, et l’on n’a pas l’habitude de se défaire d’un don, surtout quand il n’y a aucune nécessité d’en agir ainsi…

Lars qui, jusqu’ici, n’avait jamais parlé dans l’assemblée, prit la parole à la surprise de tous. Sa voix tremblait un peu, soit qu’il se sentît sous le regard de Knud, ou qu’il craignit de ne pas être à la hauteur de sa tâche. Mais ses raisons étaient bonnes, et déduites avec une suite et un entrain auxquels l’assemblée n’était guère accoutumée. Il conclut en disant :

— Que nous importe si c’est le bailli qui nous propose l’affaire ? Ceci n’a pas plus de rapport avec la question que de savoir qui a construit le bâtiment, et de quelle façon le bâtiment est devenu la propriété de tous.

Knud Aakre rougit jusqu’aux cheveux, – c’était son habitude, – et se tourna de droite et de gauche comme il le faisait toujours quand quelque chose l’impatientait : toutefois, il s’efforça d’être mesuré et de parler d’un ton tranquille. « Il y avait bien assez de caisses d’épargne dans le pays, pensait-il, et tout à fait à portée, peut-être même trop près. Mais si, après tout, il était bon d’en avoir une, il y avait d’autres moyens d’y parvenir que d’aller à l’encontre de donations faites par des défunts, et de manquer d’égards pour les vivants… » Sa voix était un peu émue quand il dit ces choses, mais il se remit vite et continua à parler du magasin en lui-même, et de l’avantage qu’il y avait à le conserver.

Lars lui répondit à fond sur ce dernier point, puis il ajouta :

— Toutefois, pour plus d’une raison, je me demande si cette paroisse est administrée en vue des vivants ou des morts, et si c’est le sentiment d’une seule famille, ou le bien de tous, qui décide ici des questions…

Knud répondit vivement :