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CENTRALISATION ET DÉCENTR.

Ces attributions se composent des éléments suivants :

Administration de ses biens.

Finances de la commune : impositions et emprunts.

Travaux publics communaux. Voirie.

Sécurité publique. Police qui se rattache à la conservation de la vie et de la propriété.

Tranquillité publique, bruits et tapage.

Approvisionnement, halles et marchés, poids et mesures.

Salubrité publique, hygiène, propreté.

Incendies, inondations et autres dangers ou calamités. Constructions, etc.

Morale publique, décence.

Assistance publique.

Instruction primaire (et généralement aussi le culte).

Et toute autre attribution qui pourrait être conférée soit au maire, soit au conseil municipal. Or, ces attributions, tous les États les reconnaissent aux communes, ils ne se distinguent que par le plus ou moins de surveillance qu’ils y ajoutent. Ajoutons que dans quelques contrées, le jugement ou l’arbitrage des petites contestations est également considéré comme un attribut naturel des communes.

Sect. 3. — Les communes dans les pays étrangers.

Nous n’avons pas à exposer ici la législation municipale des autres contrées, nous en donnons le résumé au mot Organisation communale. Il nous incombe seulement de rectifier certaines vues qui ont cours en France sur les pays étrangers. Nous avons déjà dit que les communes ne sont souveraines nulle part — les provinces encore moins. — Partout le législateur a réservé certaines matières que l’État seul décide. Tantôt le pouvoir exécutif représente seul l’État, tantôt le pouvoir législatif intervient également. En Angleterre, le Parlement est appelé à donner des autorisations pour lesquelles un décret ou une ordonnance royale suffit ailleurs. Nous ne savons quelles seront les préférences du lecteur, nous devons seulement l’avertir que le décret ou l’ordonnance ne coûte généralement rien, tandis qu’un « private bill » ou plutôt « private act » (voy. p. 31) se paie souvent par centaines de mille francs, il n’est pas rare même que les frais dépassent plusieurs millions. Mais ce n’est là encore qu’un détail ; ce qui est plus remarquable, c’est qu’on vante en France le selfgovernment anglais. Appliqué à la France, le système nous paraîtrait intolérable. Les juges de paix qui jouent un si grand rôle dans ce selfgovernment, sont des fonctionnaires non rétribués, nommés (en fait) à vie par le Gouvernement, ils sont généralement choisis parmi les propriétaires riches ou du moins aisés. Entre autres droits que possèdent ces juges de paix, il faut compter celui d’imposer des taxes dans certains cas déterminés. Ces fonctionnaires, bien que nommés par le gouvernement, sont très-indépendants, car ils ne sont pas rémunérés, mais enfin ils ne sont pas élus par leurs concitoyens, et l’élection est, selon l’opinion dominante chez nous, le seul criterium de la liberté. Selon l’opinion reçue en Angleterre, au contraire, l’administration par soi-même suppose nécessairement la gratuité[1]. Si vous réclamez l’élection du fonctionnaire rétribué, ou, ce qui revient au même, si vous payez le fonctionnaire élu, ce n’est pas de l’administration par soi-même que vous pratiquez, c’est seulement un mode de nomination que vous changez.

Un autre point encore doit être touché. On parle de l’influence des libertés communales sur l’esprit public, mais n’est-ce pas plutôt l’esprit public qui crée les libertés communales, ou plutôt — et c’est là l’essentiel — qui engage les citoyens à s’en servir. D’elles-mêmes, ces libertés n’ont pas pour tout le monde les attraits qu’on leur attribue quelquefois. Au moyen âge, les villes formaient souvent de véritables États, faisant la guerre et cherchant à défendre leur indépendance contre leur suzerain, ou leur commerce contre des brigands de grand chemin, qu’ils fussent seigneurs féodaux ou vagabonds sans feu ni lieu. De nos jours, les affaires communales ont perdu beaucoup de leur attrait, beaucoup de personnes — grandement à tort — les trouvent peu importantes et dans la plupart des pays on les néglige. En Angleterre, la besogne se fait maintenant en grande partie par des employés rétribués, quoique encore sous le nom de titulaires honorifiques. (Voy. p. ex. Gneist, Administration communale de la Grande-Bretagne.) Aux États-Unis, voici ce que nous en lisons aujourd’hui même (Times, 8 avril 1875) : The fact is that the American are, on the whole, indifferent about local politics, et de cette indifférence on s’en plaint très-fréquemment dans les feuilles américaines. Ce qu’il faut donc, c’est surtout de faire naître, de fortifier, ou de stimuler l’intérêt des citoyens aux matières municipales.

Sect. 4. — Les règlements.

Parmi les plaintes contre la centralisation, on mêle souvent celles qu’inspire « l’excès de réglementation ». L’excès est toujours nuisible, cela va sans dire, il faudrait seulement s’entendre sur la limite entre assez et trop. Ce n’est jamais par des généralités éloquentes qu’on y parviendra ; on n’y arrivera que par une étude approfondie des détails[2] Les règlements ont un but général, com-

  1. On a dit que dans une démocratie toutes les fonctions doivent être salariées, afin que tout le monde puisse y prétendre. C’est, ce nous semble, dépasser le but. La démocratie ne demande qu’une chose : qu’aucun obstacle légal (naissance, religion, couleur) ne se dresse entre le citoyen et les fonctions, mais cela ne veut pas dire qu’il faut absolument choisir pour une fonction non rétribuée un homme qui a besoin de son temps pour gagner sa vie. Ce serait donner une prime à ceux qui font profession de vivre de la politique. Ce serait aussi créer une démocratie sans contre-poids qui devra nécessairement et inévitablement tomber du côté où elle penche et voir s’élever à sa place un gouvernement qui sera le contraire de la démocratie. Or, le seul contre-poids de la démocratie c’est la gratuité des fonctions politiques. C’est la gratuité qui a fait durer la liberté en Angleterre. La gratuité des fonctions n’exclut pas toujours les pauvres, un très-grand nombre de fonctions peuvent s’exercer le soir, le dimanche et à des intervalles plus éloignés encore ; d’autres exigent en effet une situation indépendante, mais cette situation offre cette double présomption du savoir et de l’inaccessibilité à la corruption qui assure la prospérité des États.
  2. Un excellent homme, mais qui ne connaissait l’administration que par ouï-dire, fut nommé commissaire de police à Paris après le 4 septembre 1870. Quelque temps après, nous le rencontrons dans la rue. « J’avais toujours cru, nous dit-il, que les paperasses de l’administration étaient bien inutiles eh bien, on vient de me présenter un enfant trouvé, et j’ai compris que chaque acte était rigoureusement nécessaire. Que de fausses idées on a d’une chose dont on ignore les éléments.» Le brave citoyen en question s’est senti trop vieux pour apprendre, il a donné sa démission.