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GILLES DE RAIS.

son lignage en eurent au cœur très grant douleur et tristesse[1]. » Douleur et tristesse bien fondées, puisqu’ils ne purent le sauver ; et croit-on qu’ils ne l’auraient pas fait, s’ils l’avaient espéré, ou du moins s’ils l’avaient pu ? Car sa famille, s’il faut en croire un document nouvellement publié et que nous retrouverons plus tard, osa un instant, dans le temps même où l’on commençait à s’agiter autour de la réhabilitation de Jeanne d’Arc, concevoir l’espérance d’une réhabilitation de la mémoire de Gilles de Rais. Mais la justice d’un prince, quelques jours seulement avant le supplice l’ami le plus fidèle du maréchal, en unissant ses coups à ceux de la justice de l’Église, justifiait les juges ecclésiastiques ; et cette justice elle-même mettait Jean V à l’abri de tout soupçon d’animosité contre le maréchal. Les débats avaient eu lieu au grand jour, les aveux des coupables avaient été publics ; la cause portée à la connaissance de tout le peuple ; l’illusion ou l’espérance de la famille de Gilles fut de courte durée. Bien timides d’ailleurs avaient été ces tentatives, dont les traces sont presque effacées : il en est de Gilles de Rais comme de certains personnages ; la honte dont ils sont couverts est telle, si infamante est la tache qu’ils portent imprimée au front, qu’ils ne sauraient sortir à la lumière sans provoquer l’indignation ; ils se hâtent de rentrer dans l’obscurité, car ils se sentent maudits : Gilles de Rais est du nombre de ces hommes-là. L’évidence de ses crimes a tellement frappé les yeux des historiens, qu’ils en ont tous parlé en termes violents : « Crimes tellement étranges, dit M. Henri Martin, que cet âge de fer, qui semblait ne pouvoir s’étonner de rien en fait de mal, en avait été frappé de stupeur ; l’imagination la plus monstrueusement dépravée n’avait sans doute jamais rêvé ce que révélèrent ces débats. » Ces forfaits font pousser à Michelet des cris d’horreur, et M. P. Lacroix a pu écrire en toute vérité « qu’il n’y a qu’un homme au monde qui ait égalé, sinon surpassé

  1. Monstrelet, l. c.