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SES INSULTES.

coupable des crimes dont on le chargeait, de répondre à l’accusation : car son intérêt était même de demander que la lumière fût faite dans une cause, où il ne s’agissait avant tout que de son honneur et peut-être de sa vie.

Innocent, Gilles de Rais eût embrassé cet avis comme le naufragé une planche de salut : l’innocence n’espère qu’en une chose, la vérité ; elle ne réclame qu’une seule chose, la lumière. C’est ce que redoute le plus un coupable, qui ne veut échapper à la justice qu’à la faveur de l’erreur et des ténèbres. Jusqu’à ce qu’un repentir sincère ait amené à sa suite le désir de l’expiation et le mépris de la vie, Gilles se révoltera contre le conseil du chancelier de Bretagne. Aussi, comme il persévérait dans son obstination et dans ses refus, l’évêque de Nantes et le vice-inquisiteur, à la requête de Guillaume Chapeillon, le déclarèrent manifestement contumace, l’excommunièrent par acte écrit et firent proclamer devant la foule la sentence qui le frappait. Toutefois, toujours sur la demande du promoteur, ils décidèrent en même temps que l’on passerait outre et que l’on poursuivrait le cours des débats. Toujours de vive voix et non par écrit, le maréchal en appela encore de cette sentence d’excommunication et de ses juges ; mais ce nouvel appel fut, aussi bien que le premier, rejeté comme frivole par Jean de Malestroit et Jean Blouyn. Les crimes de Gilles de Rais étaient de ceux sur lesquels le pardon des victimes et de Dieu peut descendre, mais non pas la clémence des juges. Aussi, eu égard à la nature extraordinaire du procès, vu surtout la grandeur, le nombre et l’énormité des crimes dont l’accusaient les témoins et le promoteur, les juges déclarèrent hautement et pour la dernière fois, que le baron ne pouvait en appeler de leur tribunal à un tribunal supérieur, et, pour ces causes, refusèrent même de différer de quelques jours la poursuite des procédures : cette sévérité s’accordait avec la justice, car le droit ne leur permettait pas d’interrompre le procès sur un simple appel. C’était procéder sagement, conformément au bon sens et à la raison : tout énergumène, qui agirait aujourd’hui de la