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L’EXÉCUTION.

ville pour le salut de l’âme du baron de Rais et de ses serviteurs, condamnés à mort avec lui. Alors on vit une chose sans exemple peut-être dans l’histoire. Étranges mœurs de cette époque, qui montrent à quel point était puissant l’empire de la foi sur les âmes ! Par un changement qui nous semble inouï, ce même peuple que nous avons vu si terrible dans ses revendications, si impitoyable pour le coupable, devient tout à coup suppliant pour le chrétien et ne voit plus, dans son mortel ennemi, qu’un pauvre frère égaré, dès qu’il se repent sincèrement de ses crimes. À la nouvelle de la procession qui doit avoir lieu, chacun oublie ses haines et fait taire sa douleur ; on s’assemble de toutes parts ; moines, prêtres, marchands, nobles et gens du peuple sont confondus dans une même supplication. Vers neuf heures du matin, on vit toute cette grande multitude quitter les églises et parcourir, chantant et priant, les rues de la ville de Nantes. De sa prison Gilles put entendre ces voix, naguère entrecoupées par les pleurs, et qui s’élevaient à ce moment vers le ciel pour implorer Dieu en sa faveur. Quelques historiens ont dit que le maréchal et ses deux complices venaient à la fin de l’immense foule, qui s’avançait en longues spirales vers la prairie de la Madeleine : assertion plus que vraisemblable, si l’on se rappelle que l’exécution devait avoir lieu à onze heures du matin, et que deux heures à peine séparèrent le supplice et le commencement de la procession, qui le précéda. Il est certain du moins que tout le peuple se trouva réuni dans la prairie de la Biesse, sur le lieu de l’exécution, avant l’arrivée des trois condamnés : plusieurs même ajoutent que le duc s’y trouvait en personne avec les seigneurs de sa cour : s’il faut en croire Monstrelet, il était alors à Nantes, ce qui rend très probable sa présence dans la prairie de la Biesse. Les juges s’y trouvaient aussi.

Trois gibets avaient été dressés sur trois bûchers, au-dessus des ponts de Nantes, mais à peu de distance de ces ponts, presqu’en face du château de la Tour-Neuve et du Bouffay, à peu près à l’endroit où s’élève aujourd’hui l’Hôtel-Dieu. Pour