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GILLES DE RAIS.

y arriver, le cortège traversa les deux bras de la Loire, que forme en cet endroit l’île Feydeau et qui séparent la prairie de la Madeleine du reste de la ville, bâtie en amphithéâtre sur le penchant de la colline. À mesure qu’on s’éloigne du pied du coteau, la ville qui le couvre se déroule aux regards avec ses monuments. Gilles put donc encore avant de mourir porter ses yeux sur Nantes, sur le château où il avait été l’objet des célèbres débats, sur sa maison de la Suze, théâtre de ses crimes ; mais cette vue fut rapide : d’autres soins, d’autres pensées occupaient son âme. La foule, le prêtre, les chants, les bûchers lui disaient qu’il allait mourir ; et, dans la pensée de ses crimes et des jugements de Dieu, qui allaient succéder bientôt aux jugements des hommes, il n’avait plus qu’une seule préoccupation, celle de son propre salut et de celui de ses deux complices. Pendant tout le temps de la marche funèbre, il ne cessa de prier Dieu, la Vierge et les Saints, et d’encourager Henriet et Poitou par des paroles pleines d’espoir.

Quand ils furent arrivés sur le lieu de l’exécution, et pendant qu’on achevait les préparatifs de leur mort, ses prières et ses exhortations redoublèrent. Il leur disait de penser au salut de leurs âmes, d’être forts et « vertueux » contre les tentations diaboliques, d’avoir « grand déplaisance et contrition de leurs méfaits », sans se défier toutefois du seul moment de la miséricorde de Dieu : « Il n’est pas, leur disait-il avec une exactitude théologique qui montre combien il était instruit des vérités chrétiennes, de si grands péchés qu’un homme puisse commettre, que Dieu, dans sa bonté et sa « bénignité » paternelles, ne pardonne, pour peu toutefois qu’il en ait déplaisir et contrition au cœur, et qu’il lui en demande pardon avec bonne espérance » ; et il ajouta « que Dieu est plus prêt de pardonner et de recevoir un pécheur à miséricorde, qu’on est de pardon lui demander. » Puisait-il de si hauts sentiments dans son cœur, ou les avait-il entendus lui-même de la bouche de Jean Juvénal son confesseur ? — « Remerciez Dieu, leur disait-il encore,