Page:Bourdon - En écoutant Tolstoï.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

se forgent une sincérité de bronze. De proche en proche, revenant à tout propos sur le même sujet, elle finit par gagner l’attention du public et par le persuader à son tour, et ainsi elle crée des courants d’opinion qu’il devient impossible ensuite de remonter. Et qui le tente passe alors, lui, l’homme véridique et l’homme sage, pour le menteur et l’amateur de paradoxes. C’est ainsi que, sous le masque de la vérité, on identifie des idées fausses, et, je redis le mot, cela n’est pas autre chose qu’un phénomène colossal de suggestion…

Arrivé là, Léon Tolstoï ajouta tout de suite, sans transition :

— Voyez encore l’affaire Dreyfus. Qui jamais pourra m’expliquer pourquoi le monde entier s’est intéressé à la question de savoir si un officier juif avait ou non trahi son pays ? C’était un problème déjà peu important pour la France, mais tout à fait négligeable pour le reste du monde !

— C’était là, en effet, la donnée du problème, mais non tout le problème. Ce qui a fait l’universalité de l’affaire Dreyfus, c’est