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LE DISCIPLE

comment votre pensée pénétra la mienne, permettez-moi de passer aussitôt aux résultats de cette lecture et des méditations qui la suivirent. Vous verrez comment je pus tirer de vos ouvrages une éthique complète, raisonnée, et qui coordonna d’une manière merveilleuse les éléments épars en moi. Je rencontrai d’abord dans le premier de ces trois ouvrages, la Psychologie de Dieu, un apaisement définitif à cette angoisse religieuse dans laquelle je continuais de vivre, malgré mes doutes. Certes, les objections contre les dogmes ne m’avaient pus manqué depuis que je lisais au hasard tant de livres dont beaucoup manifestaient la plus audacieuse irréligion, et surtout je m’étais senti attiré vers le scepticisme, comme je vous l’ai dit, parce que je lui trouvais un double caractère de supériorité intellectuelle et de nouveauté sentimentale. J’avais subi, entre autres influences, celle de l’auteur de la Vie de Jésus. La magie exquise de son style, la grâce souveraine de son dilettantisme, la poésie langoureuse de sa pieuse impiété, m’avaient remué profondément, mais je n’étais pas pour rien le fils d’un géomètre, et je n’avais pas été satisfait de ce qu’il y a d’incertain, de nuancé jusqu’à l’à-peu-près, dans cet incomparable artiste. C’est la rigueur mathématique de votre livre, à vous, mon cher maître, qui s’empara de ma pensée. Vous me démontriez à la fois avec une dialectique irrésistible que toute